Nos rêves d'enfant
Où sont passés nos rêves d'enfant ? Et d'ailleurs qui étaient-ils ?
Alors qu'on se souvient si bien de nos cauchemars d'enfance, on oublie trop souvent nos rêves et espoirs de l'âge tendre.
Dans mes journaux intimes, j'ai écrit mes aspirations enfantines. Mais comme j'ai tout brûlé sur un coup de tête enflammé, je ne me souviens que de quelques mots parsemés dans mes cahiers, de quelques rêves disséminés dans mes regrets de grande fille. Je voulais être écrivaine ou psychologue. Continuer le théâtre et l'équitation, parce que cela me remplissait de bonheur. Ces désirs me gonflaient d'espoir en l'avenir et m'encourageaient à avancer sur le chemin, pas du tout fantastique, de l'adolescence tragi-comique. Je savais ces rêves atteignables car ils étaient purs, et justes. Je ne les avais pas inventés, ils s'étaient collés à mon cœur car ils collaient à ma personnalité et à mes envies de personnalité future. Même si aujourd'hui, je n'ai pas réalisé ces projets professionnels, ces rêves-là m'ont poussée à entretenir mes passions, à prendre les bons chemins, ceux qui allaient dans la direction de leur réalisation, même s' ils n'en étaient pas la destination.
En farfouillant un peu dans ma mémoire, je me remémore de vieux songes sortis du placard à désirs : je serais aussi architecte. Je répétais ça en boucle. J'aimais les maisons, j'aimais la création, j'aimais imaginer de merveilleuses maisons. Et puis, tu connais la chanson… Un rêve c'est à la fois si fort et si fragile. Ça fait battre un cœur, ça fait traverser des tempêtes, et pourtant cela se brise d'une pichenette. « Faut savoir bien dessiner, et surtout faut être fort en maths, ce n'est pas vraiment fait pour toi. » Je sais que les auteurs de ce cassage de fantasme n'avaient pas conscience de ce qu'ils détruisaient en une seule remarque. J'ai pardonné. Enfin, j'ai compensé. Je suis devenue architecte autodidacte free style. Sans maths et sans dessin. Sans salaire non plus. Mais c'est formidable, j'avais raison. Je réalise de somptueuses villas, avec un budget toujours illimité. Oui, avec mon code pour tricher au Sims 2, je suis architecte de luxe, à mes heures perdues.
Quant à ma carrière de psychologue, j'ai reçu des encouragements… à ne pas aller en fac de psycho parce qu'il n'y aurait pas assez de débouchés. La blague, hein, lettres modernes c'est bien connu, c'est une filière qui ouvre plein de portes magiques. Après, donc, des études littéraires rythmées par de bonnes lectures certes, mais aussi le séchage de cours et les phobies scolaires (peut-être déclenchées par une filière choisie "par élimination"), j'ai décidé de faire une sorte de transfert de carrière. Je suis allée parler de mes désirs et de mes peurs, et j'ai pris goût à la thérapie. Je ne m'étais donc pas tout à fait plantée. Je ne serai pas psy, cependant vu les années de thérapie, je pourrais prétendre à l'être.
J'ai continué, un peu en pointillés, les activités qui me faisaient vibrer dès le plus jeune âge. L'écriture, l'équitation, et le théâtre. Pour le théâtre, j'ai fait comme avec la psychologie, je suis passé de l'autre côté du rideau. Je ne joue plus, mais j'écris et j'aimerais mettre en scène.
Je me souviens aussi de lignes truffées de fautes d'orthographe et de notes d'espoirs. J'étais si jeune… J'avais gribouillé un projet de vie, avec pour chaque âge un souhait exaucé : le premier baiser, le premier livre publié, le mariage, la maison, le bébé, la voiture, le chien… Je n'ai pas tout à fait suivi le chemin que je jugeais parfait à huit ans. Mais le tracé de ce chemin idéal m'a incitée à prendre quelques tournants importants, malgré des sorties de route dangereuses.
Je me rappelle surtout les ambitions professionnelles ou superficielles.. Ça me fait mal au bide, parce qu'aujourd'hui je sais. Je sais de nouveau qu'un enfant est une fabrique à rêves. Une vraie usine à inventions du futur. Je regrette de ne pas mieux me souvenir de ce que je voulais, quels étaient mes délires tordus et mes envies loufoques. Et puis, je me raisonne. Je me console. Même si j'ai oublié certains rêves, j'en suis convaincue, ils sont nichés au fond de moi, ils ont guidé mes pas. Peut-être qu'ils ont pris forme dans des actes, dans des pensées, ou encore dans les bêtises que je t'écris. Mais ils sont là, encore en moi. L'enfance, et les souhaits qui l'accompagnent, ne nous quittent jamais.
Alors à mes filles, qui rêvassent encore tout haut… Lorsque j'entends vos confidences oniriques, je réalise combien chaque rêve est unique. Ces aspirations, qui vous inspirent et vous illuminent, m'impressionnent. Parce que c'est tellement vous. Vos raisonnements fantastiques, si propres à chacune. Vos projets raisonnables ou farfelus, et les thématiques qui les animent. C'est tellement vous. Vos ambitions les plus profondes sont révélatrices de votre essence, de vos talents innés, de vos envies présentes… Et cette joyeuse confiance dans le futur, ce trésor éphémère qui vous fait sourire .. Je ne dirai rien, mais je sais bien que cette foi et cette espérance sont uniques à l'enfance.
Avant que la pudeur ne s'installe, que la raison vous assaille, que des adultes (et peut-être même moi sans faire exprès) ne sèment l'hésitation sur le sentier de vos souhaits… Sachez que je note vos rêves de gosse, et que je ne brûlerai pas ces carnets-là. Et à l'occasion, si vous vous perdez sur la route des doutes, si vous vous éloignez de ce que vous êtes, je vous rappellerai ce que vous étiez, à quoi vous rêviez.
Le souvenir du rêve d'enfant, c'est l'évasion, la passion, et parfois une raison. Une raison de ne pas se perdre. Une raison de continuer à oser Vivre.